Lactalis, entreprise française et premier groupe laitier et fromager mondial est dans le viseur des agriculteurs. Les producteurs de lait accusent la firme de ne pas payer dignement leur production ce qui les empêche de vivre de leur exploitation.
Alors que cette revendication a été portée à la connaissance du public voilà plus de 10 jours. Cette crise reste bien timide sur les réseaux sociaux et dans la presse.
Pourquoi ce manque de viralité, la crise est-elle mal structurée sur le web ? Ou les problèmes des agriculteurs ne sont-ils pas assez vendeurs ?
Décryptage d’une crise nationale en train de passer inaperçue.
Crise du lait : un faible écho médiatique
La grogne des producteurs laitiers a été portée sur le devant de la scène grâce à la une de Ouest-France « Producteurs de lait : la grande colère » le lundi 22 août.
Depuis ce sont 39 300 posts qui ont été publiés sur le sujet. C’est moins que la polémique du sein nu de Marianne suite au discours de Manuel Valls à Colomiers en 2 jours seulement…
4 957 articles de presse en ligne ont été écrits sur la crise du lait, c’est moins que sur l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle.
Crise du lait : une revendication pourtant bien organisée
Alors à quoi doit-on ce manque d’intérêt des médias en ligne pour la détresse des exploitants agricoles français ?
Pas à un manque d’organisation en tout cas.
La revendication s’est structurée sur Twitter par deux moyens assez solides, des hashtags cohérents et des porte-paroles actifs.
La voix qui trouve le plus d’écho sur Twitter pour incarner les agriculteurs est celle des syndicats et représentants de coopérative. Notamment, le syndicat des Jeunes Agriculteurs, 23 tweets postés 384 retweets générés.
Germain Bour, directeur de la coopérative Cerepy, et Philippe Jehan, vice-président de la FDSEA sont les deux principaux influenceurs de la crise du lait. Ils véhiculent ainsi le message de colère des agriculteurs au reste des internautes :
Ces porte-paroles ont également réussi à bien organiser les revendications. Identifiée derrière le hashtag #crisedulait, les chefs de file ont aussi incité au #boycott et au blocage derrière #tousalaval :
Et certains répondent présent :
Une bonne centaine de sarthois présent aujourd'hui devant lactalis ! #tousalaval @fdsea53 @philippe_jehan @FRSEA_PDL pic.twitter.com/CL1Cbfv5sO
— Etienne Fourmont (@agrikol) 25 août 2016
Pourtant, la revendication ne prend pas sur la Toile comme ce fut le cas pour la déchéance de nationalité par exemple qui a alimenté le débat social pendant des mois et dépassé la centaine de millions de posts sur Twitter et Facebook. La crise du lait, bien que parfaitement structurée pour générer l’adhésion sur les réseaux sociaux, ne parvient pas à s’étendre. Une partie de l’explication réside dans le fait que cette question concerne un segment de population particulier et que si leur situation est jugée injuste par le reste des internautes celle-ci ne parvient pas à susciter suffisamment d’émoi pour que des non-spécialistes partagent la grogne, en fassent leur propre combat et alimentent ainsi la polémique.
Crise du lait : politisation et manque de considération
Les personnalités politiques se sont exprimées sur les réseaux pour dénoncer la situation des producteurs de lait.
En tête des déclarations les plus partagées, Marine Le Pen, la Présidente du Front National, dont le communiqué de presse a été partagé plus de 200 fois.
🖋« @SLeFoll doit faire cesser les pressions illégales de #Lactalis » | Mon communiqué : https://t.co/NWzzYhnQnD pic.twitter.com/g35FSG4pcq
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 29 août 2016
Suivie par la déclaration d’Alain Houpert, secrétaire national des Républicains :
Pour 1000 l de lait un agriculteur dépense 320€.Lactalis propose 271€. Respectez leur travail et payez au juste prix pic.twitter.com/bbEcygNgcU
— Alain Houpert (@alainhoupert) 29 août 2016
Et par Bruno Le Maire, député de l’Eure et candidat à la primaire de la Droite :
Les producteurs de #lait ont droit à une juste rémunération de leur travail. Je les soutiens dans leur combat.
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) 22 août 2016
Et enfin, le plaidoyer de Laurence Pache, membre du Parti de Gauche :
Pourtant le commentaire le plus partagé, loin devant les réactions politiques est celui de cet internaute qui souligne le manque de sens des priorités du gouvernement dans ce tweet :
Qd tu entends sur @franceinfo le représentant des producteurs de lait en larmes tu comprends pourquoi @manuelvalls te parle de burkini.
— Epris de Justice غزة (@epris2justice) 27 août 2016
Pour conclure, la colère des producteurs laitiers contre les géants du marché tel que Lactalis aurait tout pour être un parfait cas d’école d’une crise qui s’amplifie grâce aux réseaux sociaux. Pourtant, le sujet n’émeut pas assez, trop sectoriel peut-être, trop peu polémique sinon, pour faire de la crise du lait un phénomène viral.