NEW - Étude : les dirigeants français & LinkedIn

Expertise
COP 27 : sur Twitter, les politiques français sont-ils à la hauteur ?

Thierry Herrant
Consultant - Enseignant en communication publique à Sciences Po Paris

@thierryherrant

Nous retrouvons cette semaine, sur le blog de Visibrain, Thierry Herrant, consultant et enseignant en communication publique à Sciences Po Paris, pour un décryptage de la COP 27 vue par Twitter.

Chaque année depuis 27 ans, c’est un peu le même rituel : tel le coucou de l’horloge climatique, chaque ouverture de COP sonne d’abord « l’urgence à agir ». Puis après plusieurs longues journées de tractation compliquées, voire de la dernière chance, retentit souvent un consterné « pas à la hauteur ».

Certains diront que l’on pourrait dès lors s’affranchir d’un événement aussi prévisible ou, au moins, se dispenser de le commenter. Il faut pourtant garder en tête que les COP mettent chaque année sur le devant de la scène, durant deux semaines, des enjeux vitaux en matière climatique. La répétition est la meilleure amie de la communication. Aux parties prenantes de chaque pays – ONG, politiques, médias… – de s’emparer des sujets pour sensibiliser l’opinion publique et mobiliser.

En parler ou pas, se mobiliser ou non ? Espace médiatico - politique de premier plan, Twitter constitue un excellent poste d’observation pour étudier comment, en France, les différentes parties prenantes se sont positionnées sur le sujet.

La 27e conférence mondiale sur le climat de l’ONU, qui s’est tenue à Charm el-Cheikh du 6 au 20 novembre, ne manquait pas d’enjeux pour attirer l’attention : « Maintenir le 1,5 °C en vie » bien entendu, mais aussi – et c’est la singularité de cette COP – la question du coût financier de la crise climatique, du prix des dommages et des drames occasionnés dans les pays les plus pauvres.

La COP 27 replaçait ainsi au cœur des débats la vieille question des rapports Nord/Sud, vu sous l’angle de la justice climatique, et tout particulièrement celui de la justice redistributive à l’égard des pays d’Afrique.

Sur le Twitter mondial, un engouement modéré autour de la COP 27

Comme le rappelle Laurence Tubiana, universitaire et diplomate, « Il y a des hauts et des bas dans l’action climatique ».

Si l’on se place du point de vue des messages et des partages au niveau mondial, La COP 27 s’inscrit plutôt dans la tendance basse : 4,5 millions de messages contre 6 millions en 2021 pour la COP 26. La guerre en Ukraine, les tensions en Russie, les frictions entre la Chine et les États-Unis, la crise énergétique en Europe : autant d’éléments qui ont peut-être conduit les internautes à regarder ailleurs.

Timeline cop 27

Même constat en France : 162 000 messages émis par 65 000 émetteurs uniques. Sur deux semaines, ce n’est pas énorme, d’autant que quasiment la moitié des tweets a été produite dans les tout premiers jours de l’événement.

Si le volume des messages en Français est faible, on se consolera en se disant que l’Allemagne et l’Italie font encore moins bien : respectivement 65 000 et 26 000 messages, ce qui est très peu, comme on peut le voir sur le visuel ci-dessous.

cop 27 dans le monde

COP 27 : sur le Twitter en langue française, de quoi a-t-on parlé ?

À la COP 27, beaucoup de débats de fond évoqués à bas bruit (le fonds d’aide aux pays pauvres, la réduction des émissions, le rôle du Brésil, les États insulaires…) ne correspondent pas à la fréquence sonore de Twitter, où il faut plutôt beugler pour être entendu. En conséquence, en France, ce sont les polémiques et les indignations qui prédominent. Et comme nous sommes particulièrement doués pour parler d’abord de nous, les polémiques sont essentiellement franco-françaises :

  • La polémique des 400 jets privés pour discréditer l’événement lui-même ;
  • Les attaques politiques contre le chef de l’État ;
  • Les soupçons de conflits d’intérêt envers la Ministre en charge de la Transition énergétique ;
  • La priorité à la préférence nationale et le refus d’aider les pays pauvres ;

Nuage des expressions françaises les plus utilisées sur Twitter sur le sujet COP 27 :

top expressions Twitter cop 27

Top 5 des tweets en français les plus partagés sur la COP 27 :

top tweets cop 27

Cartographie : comment se sont positionnés les différents acteurs politiques sur la COP 27 ?

Au-delà des polémiques habituelles, regardons comment les différentes parties prenantes de l’échiquier politique – partis politiques, ONG, activistes, scientifiques… - se sont positionnées durant ces deux semaines de COP.

Notre cartographie, établie à partir de l’ensemble des messages émis, permet de dégager quelques grands constats. Et tous ne sont pas franchement réjouissants.

cartographie cop 27

Premier constat : les partis politiques traditionnels sont aux abonnés absents sur les enjeux climatiques internationaux

Passons brièvement en revue les forces politiques. Il y a ceux qui ne sont simplement pas là du tout : c’est le cas des Républicains et du Rassemblement National (RN). Pourquoi ? Parce que la question climatique reste très éloignée de leurs préoccupations, celles-ci étant de nature plus régalienne et assez peu tournées, c’est le moins qu’on puisse dire, vers l’aide aux pays en développement (sujet central lors de cette COP). L’explication est sans doute un peu courte pour le RN parce que la COP 27, orientée sur les rapports Nord/Sud aurait pu a contrario réveiller de vieux réflexes, l’immigration climatique par exemple. Il n’en fut rien, ce qui confirme un peu plus que ce parti politique est surtout tactiquement assez éloigné de Twitter.

Autre constat, plus surprenant : notre cartographie révèle une absence totale de parole construite venant de la gauche française, ce pourtant sur un sujet qui devrait être au coeur de son ADN politique : l’environnement, la justice climatique, les rapports Nord/Sud (thème historique à gauche).

Le Parti Socialiste et EELV n’apparaissent tout bonnement pas dans la cartographie, ce qui s’explique par une absence de porte-parole visible et de réseau structuré capables de donner de l’écho à des messages et à des positionnements politiques. Aucun travail de construction d’un tel écosystème n’ayant été réalisé, ces deux partis sont dans l’impossibilité de donner de la voix sur des enjeux de fond. Reste l’indignation et la polémique.

À ce jeu-là, Sandrine Rousseau n’a de leçon à recevoir de personne : elle n’a produit qu’un seul tweet en deux semaines sur la COP 27, en rebondissant sur un sujet franco-français relativement anecdotique (les cantines des ministères). Ce genre de rendez-vous international et très institutionnel ne correspond pas à la ligne éditoriale très clivante de cette tête de file des écologistes français.

Il y a ceux qui ne sont pas là du tout et il y a aussi ceux qui transforment la COP en polémique franco-française.

À droite de la cartographie, une zone orange étendue, celle de La France Insoumise, qui pourrait être interprétée comme une très forte présence sur les thématiques associées à la COP. Il n’en est rien. Là aussi, même constat : les Insoumis rebondissent plutôt sur des polémiques nationales, très éloignées des préoccupations de fond de la COP. Dans le détail, cette zone correspond en fait principalement à la polémique autour de la Ministre en charge de la Transition énergétique, ou encore à la dénonciation de la présence de Coca Cola comme sponsor de l’événement… Une galaxie insoumise très sceptique aussi sur l’intérêt d’une telle manifestation internationale.

Deuxième constat : la présence (persistante) d’une sphère nationaliste et anti-système

En haut, en bleu clair, une zone hétéroclite composée de nationalistes, souverainistes, frexiteurs, climato-sceptiques, anti-système qui prônent plutôt l’isolationnisme et la préférence nationale. Ils sont toujours de toutes les indignations, c’est pourquoi on les retrouve souvent sur les cartographies sociétales. Cette fois, l’indignation vient du fait que l’on puisse aider des pays en développement alors que les besoins sont si pressants sur le sol français. Pour cette droite radicale, la COP est également une vaste mascarade, un spectacle de riches nantis, à l’instar du tweet sur les 400 jets, l’un des messages les plus partagés durant cette COP.

Troisième tendance : des médias et des influenceurs en première ligne sur les enjeux climatiques

Quittons la moitié haute de la cartographie, plus politique, pour rejoindre la partie basse, celles des institutions, des ONG des médias et de la société civile. On sort du registre polémique franco-français pour entrer davantage dans le dur des thématiques COP 27.

La zone verte à gauche regroupe des comptes institutionnels ou proches de la gouvernance COP 27, intégrant aussi de nombreux pays africains (ici de langue française). En fer de lance de cette galaxie plus internationale et connectée à la COP27, le compte d’Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, dont les tweets percutants sont largement commentés et relayés. Juste à côté, une zone rose, correspondant à l’écosystème institutionnel français, le chef de l’État en tête.

À droite de la cartographie, une zone couvrant les médias, les ONG, des activistes influenceurs… : ce sont les meilleurs relais des thématiques de la COP 27, ils nous permettent de finir ce tour de piste sur une touche plus positive.

Ce que fait surtout ressortir la cartographie, c’est la présence de nombreuses individualités, influenceurs sans rattachement politique affiché, dont les nombreux messages sont largement partagés : des journalistes spécialisés (et engagés) comme Audrey Garric au Monde ou Mickael Correia chez Mediapart, des activistes du climat comme Clément Sénéchal ou Camille Etienne, ou encore des chercheurs comme François Gémenne. Raccordés à aucune offre politique tangible, ils jouent pourtant un rôle essentiel dans la diffusion des thématiques climatiques. Notons que la plupart sont présents à la COP, ce qui leur confère un rôle d’observation de premier plan.

Last but not least, reste les médias. Il faut souligner leur rôle pédagogique et leur couverture éditoriale étendue de la COP 27. Environ 6 000 contenus ont été partagés tout au long de la COP 27. C’est une belle performance. On notera, sur la cartographie, le rôle de FRANCE INFO et de ses journalistes, qui jouent un rôle pivot dans la diffusion des informations COP27 sur Twitter.

On notera aussi, fait plutôt rare, dans le Top 10 des messages les plus partagés un thread du journaliste Mickaël Correia (Mediapart) consacré au fameux 1 % des émissions de la France, argument favori des « aquoibonistes » du climat. Et même si la prochaine COP, vingt-huitième du nom, débutera sans doute elle aussi au son du fameux « urgence à agir », ce travail d’information très fouillé des médias œuvre considérablement pour la sensibilisation en profondeur des consciences.

Top 5 des articles de presse les plus relayés sur Twitter sur la COP 27 :

top articles cop 27

Bandeau whatsup