NEW - Étude : les dirigeants français & LinkedIn

Expertise
COP29 : la COP serait-elle en voie de fossilisation ?

Marie Guyomarc’h
PR & content manager

@MarieGuyomarch3

La 29ème édition de la Conférence des Parties (COP) vient de s’achever, laissant derrière elle un flot de débats, de négociations, de promesses et de controverses. Sur les réseaux sociaux, l’événement a susciter un écho, où figures politiques, internautes et entreprises ont pris la parole.

Pour décrypter les grandes tendances de cette COP29, nous laissons la parole à Xavier Kreutzer, directeur du pôle communication digitale de Forward Global. À l’aide des données Visibrain, Xavier Kreutzer dévoile les principaux enseignements des conversations social media.

Le mot d’introduction de Xavier Kreutzer

La COP29, qui s’est tenue du 11 au 22 novembre 2024 à Bakou, en Azerbaïdjan, s’est inscrite dans un contexte géopolitique et financier complexe. L’une des particularités de cette conférence est son surnom de “COP des finances”, en raison de l’accent mis sur la définition d’un nouvel objectif financier mondial pour le climat.

Nous avons réalisé une analyse détaillée sur la base des data Visibrain provenant des plateformes X (anciennement Twitter), LinkedIn et Threads en langue française afin de décrypter par ce prisme cet événement international pour lequel les enjeux et les attentes sont considérables.

Le boycott de nombreux chefs d’État remarqué sur les réseaux sociaux

Premier élément relevé massivement sur les plateformes sociales : le boycott de nombreux chefs d’État, absents de la photo de “famille”. Parmi eux, les présidents français, américains et chinois manquent à l’appel :

Les tensions autour de la COP29 ressenties sur les réseaux sociaux

Pour la 2ème année consécutive, la COP29 se déroule dans un pays controversé sur les questions climatiques. Après les Émirats Arabe Unis sous la Présidence du sultan Al-Jaber, également patron du géant pétrolier local, c’est au tour de l’Azerbaïdjan, avec Mukhtar Babayev, Ministre de l’Écologie et des Ressources naturelles et ancien employé au département des relations économiques extérieures de la compagnie pétrolière nationale SOCAR.

En effet, la désignation de l’Azerbaïdjan comme hôte de la COP 29 suscite des controverses, en raison de sa dépendance aux hydrocarbures et des critiques sur son bilan en matière de droits humains. De plus, des préoccupations émergent quant à l’influence potentielle des industries fossiles sur les négociations, compte tenu des liens étroits entre le gouvernement azerbaïdjanais et ce secteur.

Pour toutes ses raisons, un grand nombre de chefs d’État ont décidé de ne pas se rendre à Bakou. Ce qui a généré des critiques de la part de personnalités publiques ou médias engagés pour l’écologie.

tweets

Parallèlement, les élections présidentielles américaines de 2024, marquées par la réélection de Donald Trump, ajoutent un élément de tension. Son approche traditionnelle vis-à-vis des accords climatiques internationaux suscite des interrogations quant à l’engagement des États-Unis sur les questions climatiques.

L’un des enjeux majeurs de la COP29 est la mise en place d’un nouvel objectif financier collectif pour aider les pays en développement dans leurs efforts d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. Les pays sont également incités à revoir leurs contributions déterminées au niveau national d’ici 2025, pour mieux s’aligner sur l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

La raison pour laquelle la finance est à l’ordre du jour de cette édition est que les pays en développement souhaitent faire pression sur les pays développés pour leur demander des financements pour pouvoir se développer avec moins d’hydrocarbure et s’adapter au réchauffement climatique.

Jean-Marc Jancovici, dans son décryptage sur RTL repris sur X met le doigt sur un paradoxe: “Les pays développés vont à la COP pour parler climat et les pays en développement y vont pour parler développement”.

Un très fort désintérêt sur le digital pour la COP29

Des chiffres en chute libre sur la plateforme X au niveau mondial avec 850 000 mentions, un écart absolument titanesque avec les 2 précédentes éditions, 3 millions de messages en 2023 pour la COP28 et 4,5 millions en 2022 pour la COP 27. Cela démontre une désaffection pour cet événement pourtant dans l’agenda de tous les médias, entreprises et décideurs du monde entier.

timeline

En faisant un zoom sur les messages en langue française, on s’aperçoit que le rapport qui était de 1 à 4 au niveau mondial (volume de messages observés lors de la COP29 versus la COP28) est le même ici. Nous sommes passés de 162 000 messages en 2022 (pour 65 000 auteurs uniques) à 135 000 en 2023 (pour 32 000 émetteurs), à 46 000 messages pour 23 000 auteurs en 2024.

La COP 29 dans l’ombre de Donald Trump

Pourquoi un tel recul des conversations et de l’engagement sur les réseaux sociaux ?

Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Les actualités internationales sont très riches et peuvent expliquer que les discussions se focalisent sur d’autres centres d’intérêt : les élections américaines et leurs conséquences (gouvernement à venir, focus sur Trump et Elon Musk). La guerre en Ukraine et le conflit israëlo-palestinien étaient déjà dans l’actualité l’année dernière mais restent des centres de conversation très importants.

La mainmise d’Elon Musk sur l’algorithme de X pourrait également expliquer la baisse d’importance des conversations et messages autour de la COP29 comparé aux années précédentes. Cette chute pourrait être liée aux modifications algorithmiques opérées sous l’influence d’Elon Musk. Ces derniers mois, Musk a été accusé de favoriser les contenus émanant des Républicains et ses propres publications, orientant ainsi la visibilité de la plateforme vers des thématiques et discours souvent éloignés des enjeux climatiques. Cette priorisation algorithmique a pu marginaliser les discussions sur des événements comme la COP29, en dépit de leur importance mondiale, en accordant davantage de place à des narratifs politiques polarisants ou à des sujets promus par Musk lui-même. Cette stratégie reflète une réorientation de la plateforme favorable aux préférences personnelles ou idéologiques de son propriétaire, au détriment de débats essentiels d‘intérêt général sur des problématiques telles que le changement climatique.

comparaisons

Les différences entre réseaux sociaux autour de la COP29

Un intérêt dans le débat public qui a baissé entre le début et la fin de la COP29

Nous constatons en effet sur les plateformes X et Threads une chute du nombre de mentions de la COP dans les conversations. En revanche, la stabilité et la persistance des mentions sur LinkedIn est à mettre en avant. En effet, sur cette dernière, l’intérêt et la “médiatisation” sont restés stables pendant toute la durée de l’événement. La dimension BtoB, corporate et institutionnel de la plateforme semble davantage l’avoir protégée de la désaffection du public.

La place de la COP29 sur X et Threads

N’enterrons pas tout de suite X, même si c’est la tendance actuelle (avec le retrait de médias de premier plan de la plateforme tels que Le Guardian, La Vanguardia ou Ouest France pour ne citer qu’eux), car la plateforme fait de la résistance et bénéficie encore d’une audience non négligeable : +46k tweets et RT, 1,5 milliard d’impressions et près de 25k auteurs. Bien plus que LinkedIn et Threads.

Threads, dont nous parlons actuellement comme une alternative à X, fait figure de “faux” challenger sur des sujets internationaux de ce type. À noter, très peu de conversations sur la plateforme.

Sur LinkedIn :

linkedin

Sur Threads :

threads

Une édition une nouvelle fois très décriée sur les réseaux sociaux

X est le nid des réactions politiques de tout ordre. C’est sur cette plateforme que la COP29 est la plus critiquée, en premier lieu par des personnalités du monde politique. Plusieurs facteurs : le fait qu’elle se déroule en Azerbaïdjan, les propos virulents du Président Aliyev à l’égard des pays occidentaux…

Le tweet qui a généré le plus de retweets est celui de Philippe de Villiers qui parle d’épuration ethnique en Arménie :

La France s’est exprimée par la voix de sa ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, Agnès Pannier-Runacher, concernant les critiques du Président Aliyev envers la France, après avoir expliqué qu’elle ne se rendrait pas à Bakou.

“La #COP29 en Azerbaïdjan est un scandale absolu” selon François-Xavier Bellamy :

Nathalie Loiseau réagit également aux propos du Président Aliyev qui qualifie le pétrole de “don de dieu” :

Parmi les articles les plus partagés sur X, on retrouve la tribune de 3 maires (Strasbourg, Lyon et Grenoble) appelant au boycott, publiée dans le média La Croix :

article

La présence de nombreux lobbyistes a bien entendu, comme c’était le cas à la COP28, été également critiquée. Cette fois avec humour par Charline Vanhoenacker de France Inter.

Cette COP29 a aussi été un temps fort où de nombreux médias écologistes ont fait entendre leur voix sur les réseaux sociaux.

ecologistes

L’utilité de la COP est également assez largement remise en question. Ce tweet illustre une pensée assez généralisée dans l’opinion publique :

Les discussions sur LinkedIn autour de la COP29

Pour cette édition et compte tenu de la montée en puissance de LinkedIn en termes d’usage partout dans le monde il nous a semblé intéressant de faire un focus particulier sur cette plateforme. Cette cartographie des acteurs de cette édition démontre que le cœur des discussions est très présent sur cette plateforme. C’est ici que cela se passe pour la dimension corporate et institutionnelle. Nous y retrouvons les entreprises, les organisations mondiales, les personnalités politiques, les entrepreneurs, activistes et les médias.

cartographie

Une audience engagée et ciblée sur LinkedIn liée à sa nature BtoB et institutionnelle

Contrairement à X ou Threads, LinkedIn s’adresse majoritairement à des professionnels (allant des étudiants aux cadres dirigeants), des entreprises, des décideurs et des institutions, qui sont directement concernés par les enjeux climatiques. Ce public a un intérêt stratégique et financier à suivre les discussions sur la COP, même si l’événement perd en visibilité auprès du grand public.

Sur LinkedIn, les conversations sont souvent moins polarisées et plus orientées vers des solutions ou des perspectives économiques. Cela attire les acteurs cherchant à proposer ou débattre des projets concrets liés aux enjeux climatiques.

Le positionnement de LinkedIn comme plateforme pour les contenus experts

Les entreprises utilisent LinkedIn pour valoriser leurs actions en faveur du climat, que ce soit des innovations, des engagements RSE, ou des participations aux débats internationaux comme la COP. Les leaders d’opinion partagent des articles, des études ou des propositions pour montrer leur expertise et influencer le débat. Les mots-clés dominants sur LinkedIn, tels que “développement durable” ou “transition énergétique”, reflètent un discours plus neutre et solutionniste, ce qui tranche avec les discours parfois virulents sur X.

La stratégie algorithmique de LinkedIn favorise une visibilité stable

Contrairement à X, où les contenus polémiques et émotionnels tendent à dominer, LinkedIn valorise des contenus de qualité et pertinents pour ses audiences professionnelles. Les discussions autour de la COP y bénéficient d’une meilleure visibilité auprès de leurs cibles. Les articles, posts et infographies sur la COP sont davantage relayés par les réseaux professionnels et institutionnels, ce qui maintient l’intérêt au sein de communautés spécifiques.

La COP comme enjeu stratégique pour les entreprises

De nombreuses entreprises et organisations internationales participent activement aux discussions de la COP, que ce soit pour partager leurs initiatives ou pour se positionner comme leaders en matière de durabilité. Elles publient massivement sur LinkedIn, où leur audience principale se trouve : les cabinets de conseil partagent leurs analyses, les ONG publient des mises à jour sur leurs actions, les entreprises, de la PME à la multinationale, valorisent leurs engagements climatiques.

La différence sémantique autour de la COP29

Nous avons également analysé les mots clefs les plus présents sur les plateformes X et LinkedIn (en langue française) et nous voyons très clairement que les champs lexicaux sont très différents, démontrant des prises de parole très différentes sur les deux plateformes.

Sur X, les termes “échec”, “honteux”, “fiasco”, “faillite”, “corrompus” fleurissent alors que LinkedIn laisse apparaître uniquement des mots clefs neutres tels que “changement climatique” ou “développement durable”. Une plateforme plus favorable à des prises de parole plus consensuelles, permettant à chacun de développer son point de vue pour toucher ses publics cibles.

La sémantique sur X

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La sémantique sur LinkedIn

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Les entreprises s’expriment sur LinkedIn au sujet de la COP29

Le poids de LinkedIn au niveau mondial est en deçà de celui de X au niveau francophone. Néanmoins, les résultats sont importants, avec 1,6 milliard d’impressions, +30k posts sur la période de l’événement, et surtout, point très important, près de 7k entreprises ont été concernées.

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Unilever, Deloitte, IBM parmi les entreprises prenant la parole sur la COP29 sur LinkedIn

Présence d’organisations internationales, de cabinets de conseils et de médias :

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Publications LinkedIn les plus engageantes

A noter 2 posts très critiques de Gaëtan Gabriele, créateur de contenu sur le climat ainsi qu’un post du média qu’il a créé “Vert, le média qui annonce la couleur” en première position.

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Avec l’érosion de X, LinkedIn pourrait s’imposer comme l’espace clé pour structurer les débats autour de la transition climatique, notamment grâce à sa capacité à fédérer les acteurs économiques et institutionnels, favoriser des échanges plus constructifs et permettre une documentation claire des engagements et des résultats.

Le mot de fin de Xavier Kreutzer sur la place de la COP29 sur les réseaux soicaux

Une COP qui tend à passer de la lumière à l’ombre, une fois de plus boycottée assez largement par les pays développés. Un pays hôte polémique et contesté, des questions sur sa véritable utilité : il y a là tous les ingrédients pour expliquer une large désaffection sur les plateformes étudiées. Nous sommes loin de la COP21 qui a vu l’avènement des accords de Paris. Néanmoins, cet événement reste un ancrage fort dans l’agenda des médias, des politiques et des entreprises qui ont émis de nombreux contenus et généré des conversations sur les réseaux sociaux.

LinkedIn est en position forte sur le plan des échanges business et corporate, X reste très présent pour les prises de parole des politiques (mais pour combien de temps?) pendant que Threads peine à émerger sur ce type de sujets internationaux. Nous parlerons probablement de BlueSky pour la COP30 en 2025 qui séduit de plus en plus d’utilisateurs suite à l’élection de Trump et la défiance envers X. Affaire à suivre, les plateformes sociales restant à la fois le lieu d’expression par excellence des opinions et l’endroit privilégié pour les observer.

Bandeau whatsup