Mettre en lumière sa marque ? Un jeu d’enfant pour les communicants. Mais, mettre en avant sa propre personne en tant que professionnel peut devenir un vrai challenge. Entre ligne éditoriale, rythme de publication, storytelling et objectifs, le personal branding est un sujet à part entière qui mérite l’attention.
Pour en parler, nous avons le plaisir d’accueillir, Frédéric Fougerat, expert en communication et président de Tenkan Paris
Frédéric nous livre son expertise sur le personal branding, ses conseils pour soigner son image, et les pièges à éviter.
Est-il crucial d’être présent sur les réseaux sociaux aujourd’hui ?
Au risque de vous surprendre, ma réponse est non. En tous cas, il n’est pas crucial d’y être présent si on ne sait pas pourquoi, si on ne sait pas y évoluer, si on n’a pas envie d’y être, si on ne veut pas gérer cette présence, si on ne veut pas interagir avec une communauté, et plus pragmatiquement, si on ne peut pas ou ne souhaite pas y consacrer le temps que cela exige.
Être présent sur les réseaux sociaux peut jouer un rôle important pour son image comme pour le développement de sa carrière, de ses affaires quand on est entrepreneur, parce que cela donne une visibilité qui peut être forte, cela participe à votre notoriété et à votre réputation. Encore faut-il le souhaiter, en être capable et accepter d’y consacrer du temps.
N’existe-t-il pas aujourd’hui des outils, notamment d’IA, qui peuvent garantir une forte présence sur les réseaux sans y consacrer de temps ?
La communication, c’est de l’intelligence réelle, et les réseaux sociaux, c’est à la fois du partage et de la relation. Oui, l’automatisation de tâches peut être utile, voire indispensable, notamment quand on évoque les outils de veille et de mesure qu’aucun humain ne pourra faire aussi bien et aussi vite que des solutions dédiées.
Côté intelligence artificielle, il ne faut pas en avoir peur, peur de s’en servir en accompagnement ou assistance, par exemple pour collecter des données. La performance est indéniable. Mais l’IA aujourd’hui est incapable d’associer la juste émotion au juste mot qui donnera l’impact souhaité à une publication. L’IA ne saura pas interagir en faisant preuve de nuance et de sensibilité avec les membres de votre communauté, ignorant tout ou presque tout de la réalité de vos liens avec eux, de vos sentiments, de votre humeur, de votre singularité, de vos intentions de communication.
Certains affirment qu’il suffirait de dicter un message à une IA pour faire une publication sur les réseaux sociaux. Je ne suis pas certain que cela soit si simple de produire un message impactant. Cela permet certainement de faire du bruit facile, de la visibilité. Pas d’améliorer la notoriété, ni la réputation. Ça ne me semble pas (encore) être une méthode recommandable pour produire un travail sérieux et performant.
On parle beaucoup de l’importance du personal branding. Faut-il le travailler ?
Avant de se poser la question de comment travailler son personal branding, peut-être est-il effectivement prioritaire de se poser la question de pourquoi.
Pourquoi est une question essentielle en communication, car la réponse détermine l’intention de communication. Quelle est la raison pour laquelle j’imagine communiquer ?
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Est-ce pour faire du bruit et tenter d’exister dans un monde de bruit médiatique où l’image revêt une certaine importance, mais où la visibilité expose à des risques ? On le voit beaucoup en communication politique, où les personnalités les moins exigeantes passent par une surenchère de provocations toujours plus clivantes, pour se garantir une présence médiatique quotidienne. Ces pratiques grossières sont beaucoup moins applicables et appliquées dans le monde des affaires, car on ne se joue pas des clients comme certains peuvent se jouer des électeurs.
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Ou bien ai-je une histoire à raconter, et donc un contenu à partager, que je pourrais porter : parce que j’ai envie d’être identifié dans mes fonctions, parce que je considère représenter une valeur ajoutée au contenu, parce que la marque a à gagner à être incarnée…
Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises raisons ou ambitions. Il n’y a qu’une bonne première question à laquelle il faut être capable de répondre : pourquoi ?
Après le pourquoi, se pose la question du comment. Comment réussir son personal branding ?
Pour réussir son personal branding, il faut du travail, de la cohérence et du temps.
Si votre biographie parle pour vous, souvent elle ne parle qu’à vous. Car vous n’avez pas fait le choix de la promouvoir.
À partir du moment où vous décidez ou acceptez de vous exposer, en fonction des raisons qui vous motivent ou vous obligent, il devient alors nécessaire de travailler un récit et une image. Chacun servant l’autre.
Le récit, c’est tout simplement l’histoire que vous souhaitez raconter ou à laquelle vous souhaitez voir votre image associée. Le récit doit répondre à une ligne éditoriale que vous fixez et que vous respecterez. C’est la garantie d’une identification sur une plusieurs thématiques auxquelles vous vous cantonnerez, pour être reconnu, vu comme une référence. Faut-il le préciser ? Mentir n’est pas une option, même si on n’est pas obligé de tout dire. Toute fausse information sur votre personne, vos diplômes, votre parcours, vos fonctions… est un risque permanent de crise, de mise en cause de votre crédibilité, de dégradation de la réputation que vous tentez de valoriser.
Le récit, c’est donc la mise en mots de la sélection des informations utiles que vous considérez devoir ou pouvoir partager dans l’espace public, et qui participera à une empreinte numérique durable, par ailleurs complexe à modifier, ensuite, dans le temps.
Le récit passe également par la cohérence du parcours, des positions exprimées, des actes, des ambitions… À bien noter que les attaques des activistes portent essentiellement, tant pour les organisations que pour les dirigeants, sur l’incohérence des engagements, des valeurs, et des pratiques. Il importe d’y veiller pour ne pas fournir des raisons d’être attaqué.
Enfin, la qualité du récit passe également par le soin apporté à l’image, et donc à l’illustration du récit. Quelle image souhaitez-vous donner ? Quelles sont les premières images qu’on trouve de vous (ou pas) sur Google ? Qu’est-ce que ces images racontent ? Est-ce cohérent avec votre récit, ou en partielle ou complète opposition ?
Une fois que j’ai travaillé et valorisé mon image, que faut-il faire pour l’entretenir et rester présent sur les réseaux, et donc ne pas disparaître ?
Là encore, la question du pourquoi est importante. Avez-vous besoin d’être référencé, et à ce titre de permettre à toute personne qui cherche des informations sur vous de les trouver ? Et de trouver prioritairement celles que vous souhaitez mettre en avant ? Ou cherchez-vous une forme de visibilité personnelle ou professionnelle, régulière ou permanente ? Dans ce second cas, le personal branding est une première étape. Il faudra ensuite animer les réseaux sur lesquels vous comptez être présent auprès de vos communautés.
Il faudra ainsi savoir répondre à quelques questions : qu’est-ce que j’ai d’intéressant, utile, singulier à raconter ? Qui est la cible de cette expression que je compte construire et partager ? Quelles communautés existantes ou à créer je compte réunir et intéresser ? Et enfin, quel canal vais-je utiliser pour atteindre mes objectifs ? Ces questions peuvent également se poser au moment d’arrêter votre ligne éditoriale. Car elle reste le guide de votre expression, de votre exposition et de votre présence.
Si le personal branding n’est pas un canal en soi, il est assurément un moyen d’utiliser son image pour communiquer, et de communiquer pour valoriser son image.
Quelles sont les principales erreurs à éviter ?
Je vois cinq principales erreurs, ou pièges, qu’il faut éviter.
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Sortir de sa ligne éditoriale. Je l’ai déjà évoqué. Mais parler de tout revient à ne parler de rien. Soyez identifiable sur une ou plusieurs thématiques claires.
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Ne vous parlez pas à vous-même, mais bien à votre cible : « parlez-moi de moi, il n’y a que cela qui m’intéresse ». Exprimez-vous avec authenticité, avec votre singularité, sinon ce sera une histoire que n’importe qui d’autre pourrait raconter.
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Ne publiez pas trop, tout le temps, à n’importe quel moment. Testez le bon dosage. C’est l’évolution du niveau d’engagement qui vous permettra de comprendre le niveau d’attente de vos communautés.
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N’oubliez pas que dans « réseaux sociaux », il y a l’adjectif social. Interagissez avec vos communautés. Répondez aux commentaires. Remerciez, créez de la relation. C’est aussi le moyen d’échanger avec des journalistes qui peuvent souhaiter vous interviewer, avec des cabinets de recrutement ou des dirigeants qui peuvent vous approcher.
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Soyez présents sur le ou les bons réseaux. Le bon réseau n’a pas de nom. Ce sera celui ou ceux qui correspondent à votre intention de communication : histoire + cible + objectifs à atteindre.