Le marketing d’influence a connu, ces derniers mois, de multiples rebondissements : polémiques autour des influvoleurs, interventions du gouvernement et actions de la DGCCRF, le bouleversement est réel et l’image du secteur mise à mal.
Pourtant, l’influence marketing reste un levier de croissance indéniable pour les marques, d’où l’importance de repenser le modèle.
Pour en parler, nous avons interrogé Lauriane Le Texier, experte du secteur et fondatrice de l’agence La Louve and Partners. Elle nous révèle aujourd’hui sa vision du marché, quels sont les critères d’un bon influenceur, et l’intérêt de la social data dans la mise en place des campagnes d’influence.
Dans quelles mesures les récents bouleversements du secteur de l’influence (mouvement influvoleurs, tendance #deinfluencing, règles du gouvernement, actions de la DGCCRF…) impactent-ils les acteurs du marketing d’influence (annonceurs, agences, influenceurs) ?
Depuis quelque temps, de par les arnaques des influenceurs de téléréalité, les partenariats à outrances, les partenariats “dissimulés” ou encore les messages non sincères et trop commerciaux, certains créateurs peu scrupuleux ont mis à mal le secteur… Les internautes et la population en général ont de moins en moins une bonne image de l’influence. Et c’est bien dommage !
La nouvelle loi sur l’influence commerciale ainsi que les actions “coup de poing” de la DGCCRF ont un impact positif majeur pour l’ensemble des acteurs du secteur :
D’une part, cela permet une vraie reconnaissance de ce secteur : oui l’influence commerciale est un TRAVAIL. C’est un secteur qui génère de l’emploi de par les influenceurs qui sont tous à minima en autoentreprise, mais aussi l’ensemble des professionnels qui les accompagnent : agents, photographes, motion designers, agences conseils, outils, etc.
D’autre part, cela cadre enfin les choses : cette régulation permet d’ores et déjà un travail en confiance pour l’ensemble des parties prenantes et la protection nécessaire pour les consommateurs.
Certains “influvoleurs” et leurs agences se plaignent dans la presse d’avoir vu leurs revenus mensuels baisser : de 35 000 euros/mois en moyenne à 5 000 euros… Mais ce n’est pas plus mal. Moins de dropshipping sur les réseaux sociaux, interdiction de parler de chirurgie esthétique et produits financiers douteux… Ça fait du bien. Le secteur s’assainit pour ne garder que le meilleur !
En 2023, quel est le profil d’un “bon” influenceur pour une marque ?
Un “bon” influenceur est avant tout une personne passionnée qui a réussi à fédérer une communauté qui lui ressemble autour de sa passion et de sa personnalité unique.
Un bon influenceur “pour une marque” est celui qui maîtrise les codes de l’influence commerciale, c’est-à-dire :
- qu’il va co-construire avec la marque une campagne unique, qui va toucher réellement ses followers car il les connaît mieux que personne
- qu’il va savoir respecter le brief, les deadlines et le contrat qui a été signé par l’ensemble des parties
- et qu’il va respecter la loi française grâce à un discours transparent et responsable auprès de ses abonnés concernant la collaboration commerciale mise en place (loi sur l’influence, mais aussi Manger Bouger, Loi Evin etc…)
Ensuite, un “bon influenceur pour une marque” peut avoir plusieurs visages en fonction des objectifs. Est-ce une personne qui fait vendre ? Est-ce une personne qui arrive à faire rayonner la marque ? Est-ce une personne qui arrive grâce à ses valeurs à positionner la marque ?
Instagram, TikTok, YouTube… De nombreux canaux s’offrent aux marques pour explorer l’influence sur les réseaux sociaux. Le marketing d’influence est-il significativement différent selon les plateformes ?
Oui ! Car chaque plateforme à ses habitudes d’utilisation : sur Youtube c’est le temps long, on va prendre le temps de regarder une vidéo de 20 minutes d’un influenceur qu’on apprécie. Alors que sur TikTok on passe de vidéos en vidéos de quelques secondes à 1 minute maximum de créateurs qu’on follow … ou non !
Sur Instagram, c’est encore autre chose. Les Reels permettent de découvrir de nouveaux univers là où au contraire le format story permet un échange sincère et authentique avec nos quelques influenceurs préférés et le feed permet de plonger complètement dans un univers qui est propre à chacun.
Il existe différentes façons de détecter des influenceurs : passer par une agence comme La Louve And Partners ou/et s’appuyer sur la social data. Est-ce que tu penses que les plateformes de veille et les agences ont tout intérêt à travailler ensemble ?
Je pense que les deux sont intimement liés. Quoi de mieux que de passer par un outil de social listening et identifier ce qu’ils se dit sur les réseaux sociaux et par QUI !
Peut-être par exemple qu’un influenceur parle d’ores et déjà de la marque. Je pense par exemple à Alix Grousset qui n’arrêtait pas de parler de Picard… C’est seulement au bout de plusieurs années que la marque de produits surgelés est venue la chercher pour mettre en place des vraies collaborations créatives : c’est dommage d’avoir attendu autant de temps.
Aujourd’hui il est impensable pour moi de sélectionner un influenceur sans passer par la data : mis à part le fait que son univers et des valeurs doivent correspondre à la marque… Il faut également que ses statistiques suivent. Il faut pouvoir mesurer efficacement notre campagne.
Cependant la connaissance de la data n’est pas suffisante pour lancer une campagne performante. C’est là aussi qu’une agence de stratégie d’influence comme La Louve and Partners va intervenir car pour faire une bonne campagne il faut trouver un concept créatif qui tient la route, sélectionner les bons réseaux, les bons formats qui vont servir le propos mais ainsi identifier la bonne typologie de créateurs de contenu. Il ne suffit pas de prendre des profils “célèbres” qui “performent” avec plusieurs millions de followers. Je suis désolée de devoir le dire aux clients : non, Lena ne fonctionne toujours pas dans toutes les situations !
Quels sont les indicateurs de mesure à prendre en compte dans le choix du créateur de contenu (taux d’engagement, activité, reach, nombre d’impressions, audience, ligne éditoriale, valeurs…) ?
Les KPI à prendre en compte sont variables d’une campagne à une autre. Par exemple, si nous sommes dans le cadre d’une campagne de notoriété, nous allons en premier lieu mesurer la portée de cette campagne (nombre de personnes touchées). Toutefois, en fonction de l’univers de la marque de ses campagnes précédentes, de son ton, de son budget également … on peut soit passer par une multitude de petits créateurs niches OU alors nous allons passer par 2 - 3 personnes importantes pour arriver aux mêmes résultats de reach !
Ensuite, il est important de regarder le taux d’engagement quelle que soit la campagne. Car il faut prendre un créateur qui sait interagir pour de vrai avec ses followers. L’influence est à l’inverse de l’autre type de campagne (TV, radio, etc..) dans la mesure où les créateurs de contenu peuvent échanger et interagir de manière immédiate avec leur audience.
Bien entendu, la ligne éditoriale de l’influenceur, ses valeurs sont la BASE d’une campagne qui a du sens. Sans cela, autant aller prendre des hommes-sandwichs dans la rue. Aujourd’hui je déplore que peu de marques prennent le temps de regarder ces éléments fondamentaux. L’influence c’est travailler avec des êtres humains avant tout. Malheureusement les outils technologiques ne savent pas encore aider à sélectionner des profils pour ce qu’ils vivent, ce qu’ils racontent, leur valeurs et projets… C’est là aussi où les consultants de l’agence La Louve And Partners interviennent, car seul un cerveau humain peut analyser aujourd’hui rapidement ce type d’informations car cela ne se traduit pas en hashtag, ou des données chiffrées.
De plus, d’une plateforme à l’autre nous n’allons pas regarder les mêmes données : par exemple, sur TikTok, la taille de la communauté m’importe moins car c’est la qualité et la créativité du contenu produit qui va primer pour sa viralité.
Selon toi, quel est l’avenir du marketing d’influence ? Les dernières actions du gouvernement vont-elles donner un nouvel élan à ce marché en maturité ?
Un avenir plein de rebondissements ! C’est comme ça depuis le début. Car l’influence est dépendante des plateformes social média et dès qu’il y a une nouvelle sortie, une mise à jour, tout le monde doit savoir s’adapter, redoubler de créativité. Certaines choses disparaissent pour laisser place à la nouveauté. C’est un secteur qui quoi qu’il arrive sera toujours en constante évolution et mutation.
Est-ce que ce secteur est arrivé à maturité ? Je n’en sais rien, en tout cas, ça fait presque 7 ans que j’ai mon agence et mon travail dans le conseil n’a pas arrêté de grandir ! Les dernières actions du gouvernement ont posé de nouvelles bases solides. Maintenant c’est au tour des acteurs de ce secteur : agences, outils, plateformes, créateurs, fédérations (UMICC, ARPP etc..) de décider ce que nous allons en faire !