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L'avis des experts
Paris 2024 sur les réseaux sociaux : le défi olympique raconté par Philippe Goavec

Marie Guyomarc’h
PR & content manager

@MarieGuyomarch3

Les Jeux Olympiques 2024 ont rythmé les conversations sur les réseaux sociaux durant de nombreux mois, jusqu’à la célébration ultime. Son retentissement est tel que près de 90 millions de messages ont été publiés durant Paris 2024. Mais, comment orchestrer une stratégie social media pour l’un des événements sportifs les plus suivis du monde ? Comment coordonner les différentes parties prenantes ? Et comment relever les principaux défis qui s’invitent à la fête ?

Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Philippe Goavec, responsable du pôle Communication Social Media de Paris 2024. Composition de son équipe, enjeux d’un événement d’ampleur internationale, gestion de crise ou encore interactions avec les internautes sont au programme de cette interview passionnante.

Chiffre record avec plus de 2,5 milliards de vues sur les contenus de Paris 2024. Comment vos équipes social media ont-elles été constituées en amont de l’événement ?

L’enjeu de l’équipe était essentiel. Vous ne réussissez pas si vous ne construisez pas un collectif efficace, complémentaire et composé de personnes sympathiques, prêtes à travailler et à réussir ensemble. Mais avant de travailler sur son équipe, il fallait avoir défini sa vision et son plan de jeu. Que voulons-nous faire ? C’est à partir de la réponse à cette question que nous avons construit, dès février, l’équipe en adéquation avec nos enjeux et nos besoins.

À partir du moment où nous avons décidé d’internaliser les équipes et les compétences, nous avons affiné l’organisation et les métiers associés. Entre janvier et avril, nous avons construit cette équipe, affiné ce puzzle. Tous ont répondu à un processus d’entretiens classiques. Deux choses étaient très importantes pour nous : la compétence évidemment, mais surtout la personnalité, l’envie et la capacité à gérer ce moment émotionnellement fort et physiquement exigeant. Notre parti pris était : si les personnes sont heureuses de participer à ces Jeux, elles sauront naturellement retranscrire cette passion dans leurs contenus. Le plaisir transparaît toujours.

Quand nous avions le “casting”, l’enjeu était de réussir l’intégration. Les deux tiers des équipes arrivaient quelques semaines, voire quelques jours avant les Jeux. Il fallait donc les préparer. Mais plus que de les préparer à faire, nous avons surtout veillé à les préparer à être ensemble, à se connaître, à être solidaires et surtout à se sentir responsables et acteurs de notre manière de délivrer ces Jeux.

Ainsi, nous avons partagé très vite notre stratégie, invitant chacun à s’approprier la ligne, ainsi qu’un roadbook avec notre organisation, nos process et nos contraintes. Puis nous avons rapidement construit les plannings pour que chacun sache quelles étaient ses tâches ou ses sports attribués.

Enfin, nous avons passé un moment festif tous ensemble pour nous rapprocher et créer un pacte : “Réussir sans erreurs ces premiers Jeux RS en France.” Nous avions comme objectif de devenir “amis pour la vie à la fin des Jeux”. L’avenir dira si c’est réussi, mais déjà, comme on dit, “le groupe vit bien”. Nous communiquons encore régulièrement et prenons du plaisir à nous revoir, preuve que nous avons partagé quelque chose de fort qui va au-delà d’un projet classique.

Quels ont été les principaux défis dans la construction de la stratégie social media des Jeux Olympiques ?

Le premier enjeu était de comprendre l’univers olympique et ses nombreuses contraintes pour les réseaux sociaux. À partir de là, nous avons pu définir ce qui était réalisable, possible sous conditions, et inconcevable. En bons Français, nous sommes plutôt partis sur le “possible sous conditions”… et avons travaillé, débattu, négocié pour acquérir quelques nouveaux accès et pousser certains curseurs.

Non pas que la nouveauté soit toujours dans la transgression, mais elle est souvent dans la capacité à ajouter quelques ingrédients supplémentaires et innovants à une approche plus classique.

Notre plus grand défi pour réussir toute notre stratégie reposait sur trois partis pris simples :

  1. L’image est un vecteur de narration, de postérité et d’émotion
  2. Une image de presse n’est pas une image réseaux sociaux
  3. Qu’elles soient animées ou statiques, sur les réseaux sociaux, nous passons nos journées à diffuser des images

En conséquence, nous devons pouvoir créer nous-mêmes, via nos créateurs intégrés, des contenus exclusifs avec un angle de vue unique pour porter le récit des Jeux de Paris 2024. L’idée n’était pas de raconter les Jeux, mais NOS Jeux, avec leurs marqueurs propres.

Vous évoquiez dans une interview avec The Metrics Factory qu’Instagram, TikTok et Snapchat se sont démarqués. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Plus de 60 % de nos audiences sont concentrées sur ces trois plateformes, qui nous ont permis de raconter nos Jeux auprès de cibles plus jeunes et plus internationales, qui ne sont pas toujours les plus connaisseuses des Jeux. Ces plateformes étaient, de plus, adaptées à notre volonté de porter une tonalité sportive et festive, esthétique et authentique.

Durant les Jeux, comment avez-vous géré les interactions avec des millions d’internautes vous mentionnant ?

Nous avons essayé d’avoir un geste pour tous ceux qui parlaient de nous, qu’ils soient un gros compte ou un petit.

Quand votre slogan est “Ouvrons grand les Jeux”, il était important, à notre échelle, de faire vivre cette ambition et de penser notre présence sur les réseaux sociaux non seulement à travers nos propres contenus, mais aussi dans le cadre de toutes les conversations que cet événement allait générer.

Ainsi, nous avions pour ambition de liker, commenter tous ceux qui partageaient une information ou une émotion sur Paris 2024. Si vous postez votre contenu et qu’il ne se passe rien ensuite, vous n’avez pas le sentiment de participer à la fête. Nous voulions donc que chacun se sente partie prenante de ce grand moment. Deux membres de l’équipe, accompagnés de nos super volontaires, avaient pour mission de prendre le temps de discuter et d’honorer tous ceux qui voulaient partager ce moment avec nous.

Résultat : je ne sais pas à quel point cela a contribué, mais en prenant le temps pour tous, nous avons vu que les trolls qui ont essayé de venir se sont vite sentis inaudibles et n’ont pas réussi à créer des points de tension à partir desquels ils se nourrissent.

Comment avez-vous travaillé avec les différentes parties prenantes (athlètes, créateurs de contenus, marques partenaires et médias) pour maximiser la visibilité de Paris 2024 sur les canaux digitaux ?

Les athlètes, pendant les Jeux, sont concentrés sur leurs compétitions. Il faut les laisser se préparer. Au début des Jeux, nous leur avons envoyé un message privé de bienvenue à Paris et leur avons souhaité de bons Jeux. Ensuite, une fois leurs compétitions terminées, nous leur proposions quelques crossposts, mais sans rien leur demander de plus. Les Jeux, c’est leur moment, il faut les laisser vivre pleinement ce qui est souvent le moment d’une vie.

Concernant les créateurs de contenus, nous avons travaillé avec certains d’entre eux, notamment sur TikTok, pour réaliser quelques initiatives en lien avec l’axe “célébration” de notre stratégie. Tout avait été anticipé et ils ont répondu à nos attentes. Cependant, durant les Jeux, c’est le sport qui prime, et il est donc plus difficile pour eux de se démarquer ou d’avoir l’impact escompté.

Avec les médias partenaires, France TV et Eurosport, nous avions créé des boucles de communication communes et échangé en amont pour créer une véritable synergie. C’était du gagnant-gagnant car ils disposaient de droits vidéos et pouvaient nous permettre d’aller sur le reels (ce qui a n’est pas négligeable en termes d’impact). Nous répondions à leurs demandes ou orientions quelques moments clés des Jeux en échange d’un crosspost. Je les remercie, car c’était, je crois, la première fois que des médias étaient aussi connectés sur les réseaux avec un Comité.

Quant aux partenaires, nous leur avions demandé dès janvier de remplir un formulaire pour identifier leurs attentes et activations. À partir de là, nous avons pu leur proposer une collaboration autour d’un message commun. Pour créer une symphonie, chacun doit connaître sa partition à l’avance. Notre ligne était favorable aux crossposts, à condition qu’ils soient réfléchis en amont et véhiculent un message partagé.

Quelle a été votre stratégie pour prévenir et gérer les crises qui ont pu survenir sur les réseaux sociaux avant et pendant Paris 2024 ?

Nous n’allons pas tout vous révéler ;). Nous avons souvent remarqué une confusion entre crise et polémique. Il y a des sujets qui font débat, parfois avec quelques incohérences ou contre-vérités. Nous avons appris à développer une certaine résilience et à ne pas perdre de temps avec les aspects négatifs. Le spectacle doit continuer. Tant qu’il sera aussi compliqué de débattre constructivement, arguments contre arguments sur les réseaux sociaux, il faudra se concentrer sur un fondamental de la communication : « Faire, c’est dire » ou « C’est à la fin du bal qu’on paie les musiciens. » Bref, vous m’avez compris, il faut être dans l’action et travailler pour prouver que l’on est dans le vrai. En ce qui concerne les crises, un petit conseil : ce n’est pas un concours d’improvisation, bien au contraire, c’est une œuvre de préparation et d’anticipation pour éviter toute forme de sidération.

Après les Jeux, comment prévoyez-vous de capitaliser sur l’héritage numérique laissé par Paris 2024 ?

Nous avons rendu nos ordinateurs et terminé notre mission. Notre héritage, si l’on peut dire, consiste à partager, comme nous le faisons ici, avec beaucoup de transparence, ce que nous avons vécu et réalisé. Même si ce n’est qu’une réalité à un moment donné, il appartiendra à chacun d’y trouver des motifs d’inspiration et de poursuivre ce chemin de la digitalisation des Jeux. Les réseaux sociaux évoluent en permanence, et la vérité d’un jour n’est pas celle de toujours. Il faut donc rester humble et ne jamais oublier que cette matière est vivante et en mouvement. C’est une chance, alors profitons-en pour innover, inventer, créer… s’amuser !

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