Guillaume Brevet, associé du cabinet de conseil en communication Backbone Consulting, revient pour Visibrain sur la crise entre Pernod Ricard et le Paris Saint-Germain (PSG) vue des réseaux sociaux. Au programme : déroulé, chiffres clés, analyse de communautés et interruption du partenariat tout juste noué.
Comment une analyse fine de l’expression de l’opinion en ligne aurait-elle permis d’éviter la fin prématurée du partenariat ?
Rappel des faits de la crise entre Pernod Ricard et le PSG
Le 2 septembre 2024, le groupe de spiritueux Pernod Ricard (originaire de Marseille) et le club de football du Paris Saint-Germain annonce leur partenariat ayant pour but de promouvoir les 240 marques du groupe à l’international jusqu’en 2028.
À l’annonce du partenariat, les Marseillais s’insurgent de cette trahison et vont vite le faire savoir sur les réseaux sociaux en lançant notamment le hashtag #boycottPernodRicard.
C’est le début du buzz qui se transforme rapidement en polémique, entrainant quelques jours plus tard le renoncement du partenariat avec le PSG.
La crise « Pernod Ricard & le PSG » sur les réseaux sociaux en quelques chiffres
Plus de 13 900 messages ont été publiés sur X au mois de septembre sur le sujet.
Dès l’annonce du partenariat le 2 septembre, des internautes commencent à réagir négativement au partenariat mais les volumes et interactions restent relativement faibles à ce stade. Par ailleurs, en analysant les comptes utilisant le hashtag #boycottPernodRicard (340 comptes pour 544 publications et retweets cumulés), nous pouvions observer que ce dernier était cantonné aux sphères marseillaises sur X (ex-Twitter) et majoritairement aux supporters du club de la cité phocéenne. Le grand public est alors peu impacté par cette annonce.
Cependant, le lancement du « boycott » aura suffi à attirer l’attention des médias et celle du maire de Marseille Benoît Payan. La Provence sera le premier instigateur de l’emballement médiatique avec un article paru à 19h30 le lundi soir. Mais c’est principalement le lendemain matin que l’ensemble des médias nationaux et locaux français s’empareront du sujet (France Bleu, BFM, L’équipe, Le Figaro, Le Parisien etc).
Le Groupe choisira de réagir dès le 3 septembre dans La Provence mais cette approche sera perçue comme une justification qui active la polémique. Une explication est toujours utile, une justification jamais. Le message du groupe, précisant que ce partenariat ne concerne ni le Ricard ni la France, et qu’il est exclusivement destiné pour l’international, tout en réaffirmant ses liens historiques avec l’OM, est mal compris et rejeté par l’opinion.
Après la vague médiatique qui aura généré près de 2 600 messages en 24h, le volume de messages commençait à retomber (-12% de messages le 4 septembre) jusqu’à l’envoi du communiqué de presse du Groupe Pernod Ricard le 5 septembre à 14h, qui révèle le renoncement du partenariat avec le PSG.
Le communiqué aura deux effets sur l’expression de l’opinion en ligne :
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Le premier sera de relancer le sujet dans l’opinion avec une nouvelle vague médiatique (publication de nouveaux articles par l’ensemble des médias nationaux et locaux qui avait traité le sujet) et une nouvelle vague de publications sur les réseaux sociaux (+72% de mentions par rapport à la veille) ;
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Le second sera d’éteindre la crise auprès d’une communauté marseillaise restreinte ; le grand public se désintéressant d’ores et déjà du sujet.
Cartographie de la polémique
La polémique sur TikTok et Instagram
Au-delà du réseau social d’Elon Musk, des centaines de messages ont également été publiés sur Instagram et TikTok.
Une partie des publications les plus engageantes ont été publiées par les médias avec notamment La Provence qui a publié une vidéo TikTok cumulant 3,3 millions de vues ou encore le média digital Brut qui cumule 1 million de vues sur sa vidéo TikTok sur le sujet.
En dehors des publications réalisées par les médias, c’est de nouveau les comptes de supporters du club de Marseille qui se démarquent ou des personnalités connues pour leur attachement au club (Mohamed Henni – vidéo TikTok – 450k vues, Anthony Joubert – vidéo TikTok 580k vues ou encore le chanteur Bengou – reels Instagram 230k vues).
L’analyse de ces deux réseaux permet de renforcer les conclusions tirées de l’analyse du réseau social X. Une crise relativement restreinte touchant majoritairement une communauté Marseillaise supporter du club de football.
Conclusion de Guillaume Brevet sur la crise Pernod Ricard sur les réseaux sociaux
La réalisation d’une analyse fine de la situation grâce à des indicateurs propres au Groupe Pernod Ricard aurait permis de tangibiliser l’ampleur de la crise (faible) et ainsi avoir une réaction proportionnée (évolution des réactions en fonction de panel / indicateur sémantique en fonction des panels / évolution du hashtag en fonction des communautés etc). Au regard de la cartographie de communauté nous pouvons voir que la crise ne touche pas le grand public.
Dans le cas de Pernod Ricard, le choix de réagir dès le lendemain dans le média local La Provence ne peut être considéré comme judicieux et s’apparente à une surréaction du Groupe qui ajoutera plus de confusion et d’incompréhension de la part des Marseillais blessés. Cette réaction ne permettra pas d’éteindre la polémique qui se terminera le 5 septembre avec l’annonce de l’arrêt du partenariat entre le PSG et Pernod Ricard.
Dans une telle situation, l’approche adoptée aurait pu être celle de l’humour étant donné la nature de la crise (crise social média sur X (ex-Twitter)). Cela aurait évité au Groupe de se perdre dans des explications techniques, peu compréhensibles et dénués d’émotion.
Le Groupe aurait pu embrasser le buzz avec légèreté tout en maintenant un lien affectif avec les Marseillais qui sont émotionnellement impliqués dans cette rivalité footballistique avec des phrases du style :
- « Pernod Ricard, agent double au PSG, mais toujours marseillais dans l’âme ! »
- « Pas de panique, on est juste en mission secrète pour faire gagner l’OM depuis l’intérieur ! »
- « Si Pernod Ricard va à Paris, c’est pour montrer aux Parisiens ce que c’est que l’excellence marseillaise. »