Au cœur de ce scandale médiatique : le brouillard qui plane sur les contrôles des dispositifs médicaux. Outre-Atlantique, ces manquements ont provoqué 82 000 morts et 1,7 million de blessés en dix ans.
Pour le moment le scandale, que l’on appelle “Implant Files”, semble n’avoir éclos qu’au sein de la sphère médiatique et touche principalement les acteurs du secteur médical. Décryptage des quelques 40 000 messages publiés à ce sujet.
Courbe d’activité de la crise des Implants Files sur Twitter
Prémices du Bad Buzz : comment la crise des Implants Files a-t-elle émergé en ligne ?
C’est le 25 novembre, à 05h59 du matin (heure française) que le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ, en anglais) notamment connu pour être à l’origine de la révélation d’une des plus grosses évasions fiscales, les “Panama Papers”, publie un tweet dans lequel il annonce qu’il dévoilera prochainement sa nouvelle enquête sur les #ImplantFiles.
Comment fonctionne l’ICIJ ? Les journalistes de ce consortium sont entourés d’experts dans plusieurs domaines (juridique, informatique, ici dans le domaine médical également) qui les aident à enquêter et à analyser les résultats obtenus afin d’apporter une certaine crédibilité à ces investigations. Ensuite, l’ICIJ s’associe avec des médias du monde entier pour diffuser ses enquêtes.
Le tweet en question, qui a permis de lancer l’alerte des Implant Files, le voici :
We've been digging through files and talking with people around the world. We publish our first stories from the #ImplantFiles tomorrow at 5pm GMT. Get the latest: https://t.co/Qu0UrmrACp pic.twitter.com/YumimdG7No
— ICIJ (@ICIJorg) November 25, 2018
Quelques heures après, l’ICIJ en fait de même sur Facebook en publiant ce post :
Très timide au départ, le scandale ne prend pas directement car pour le moment rien n’est dévoilé. L’ICIJ ne fait qu’informer son audience de sa nouvelle enquête sans en dévoiler le contenu. En 5 heures moins de 500 tweets sont publiés. Sur Facebook il en va de même on compte à peine 300 publications publiques sur la journée du 25/11.
Propagation du Bad Buzz : la révélation de l’enquête va propulser le scandale
Le scandale prend forme et s’intensifie le 25 novembre à 18h04 (heure française), lorsque l’ICIJ publie le lien de son enquête sur Twitter :
A NEW GLOBAL INVESTIGATION: Health authorities have failed to protect millions worldwide from poorly tested implants that can sicken, maim and kill, the very people they were designed to help. https://t.co/I5DL5CI152 #ImplantFiles pic.twitter.com/CHvkYaq1ON
— ICIJ (@ICIJorg) November 25, 2018
Une heure après avoir publié l’enquête sur Twitter, l’ICIJ la publie également sur Facebook :
De la même manière l’enquête semble générer plus de réactions sur Twitter que sur Facebook. Alors que le tweet a été partagé plus de 1 800 partages, le post Facebook n’a suscité que 52 partages et 72 réactions.
Des expressions fortes de sens permettent la propagation de l’enquête sur les Implant Files
Les éléments de langage sont forts et donne du sens à l’enquête. On parle ici de problèmes sanitaires, donc d’un risque qui touche directement la santé du grand public et surtout du monde entier.
Lorsque l’on clique sur le lien de l’enquête on découvre directement ce message : “health autorities across the globe have failed to protect millions of patients from poorly tested implants, the first-ever global examination of the medical device industry reveals”, que l’on peut traduire par “la toute première enquête mondiale de l’industrie des dispositifs médicaux permet de mettre en lumière l’échec des autorités sanitaires dans le contrôle d’implants, entrainant la mise en danger de millions de patients à travers le monde”.
Les mots sont forts et sélectionnés afin de faire réagir les internautes. “Across the globe”, vient appuyer le fait que personne n’est à l’abris, c’est un problème majeur et surtout c’est un problème mondial. “Have failed to protect”, ici la notion d’échec vient directement incriminer les autorités sanitaires sur le manquement à leur devoir. “Millions of patients”, le fait de quantifier le discours, surtout lorsque le chiffre est faramineux, va permettre d’insister sur le côté dramatique de la crise, qui met en avant un fait alarmant : des millions de personnes ont subi des dommages à cause d’implants non-contrôlés par les autorités sanitaires.
Le message est passé ! Sur les réseaux sociaux, à peine deux heures après la révélation de l’enquête, on voit fleurir des expressions chocs, à en juger par le nuage des expressions les plus utilisées sur l’affaire, ci-dessous. Parmi elles nous retrouvons par exemple “victimes incalculable” (500 tweets), “millions de personnes” (300 tweets), “scandale” et “faulty medical devices” (250 tweets chacune), ou encore “cobayes” (150 tweets).
En tout, deux heures après le tweet de l’ICIJ, qui dévoile l’enquête, on compte plus de 8 000 messages publiés, dont un pic de 4 108 de 18 à 19h.
Accentuation du Bad Buzz : la reprise de l’enquête des Implant Files par les médias du monde entier vient acter la crise
S’agissant d’une enquête mondiale, menée par plus de 250 journalistes de plusieurs nationalités différentes, il est ainsi normal de voir que l’investigation est reprise par tous les plus grands médias du monde.
Implant Files : articles les plus partagés en France sur Twitter
Lemonde.fr envahi Twitter dans cette affaire. Parmi les 5 articles les plus partagés sur les Implants Files, en France quatre sont du média lemonde.fr et un provient de francetvinfo.fr :
Ce quasi-monopole s’explique du fait que des journalistes du quotidien Le Monde ont participé à cette enquête. Ainsi l’article le plus partagé en France sur Twitter n’est autre qu’un article publié sur le média en question, partagé plus de 1 300 fois sur Twitter et 3 300 fois sur Facebook. C’est aussi l’un des tous premiers articles publiés suite à la révélation de l’enquête par l’ICIJ.
Implant Files : articles les plus partagés à l’étranger sur Twitter
Bien entendu l’article le plus partagé à l’étranger est celui de l’ICIJ, qui totalise plus de 2 000 partages sur Twitter et plus de 1 300 sur Facebook.
Ensuite nous retrouvons le site du journal argentin, Perfil qui réalise quasiment autant de partages que Lemonde.fr (1 249 sur Twitter) ainsi que le journal digital Elconfidencial.com, qui à l’époque avait été un acteur majeur dans la révélation des Panama Papers, aux côtés de l’ICIJ. Enfin, The Guardian prend part à l’affaire et arrive 5e au classement des articles de presse en ligne les plus partagés sur les Implant Files à l’étranger.
La presse est à l’origine de cette enquête, c’est pourquoi très vite l’investigation s’est propagée et son écho médiatique a été considérable. En revanche, côté réseaux sociaux les internautes sont encore moindre à avoir commenté l’affaire.
Implant Files : un sujet très médiatisé mais qui dépasse un peu le grand public ?
40 000 tweets en l’espace de 2 jours et demi ce n’est pas ce que l’on peut qualifier de “record” ou “d’énorme”. Ceci peut notamment s’expliquer du fait que pour le moment la crise n’incrimine aucun grand nom du secteur. En effet, aucun nom de laboratoire n’a encore fuité. Dès lors, si certains fournisseurs de dispositifs médicaux, ayant négligé les contrôles d’implants, sont accusés publiquement, la crise devrait prendre une toute autre ampleur en ligne.
Pour le moment, ce sont principalement les médias et experts du secteur sanitaire qui se sont exprimés au sujet des Implant Files. Parmi eux nous retrouvons :
- des médias comme l’ICIJ (3 400 RT cumulés), Le Monde (1 500 retweets cumulés), The Guardian (700 RT cumulés)
- des journalistes d’investigation tels que Mariel Fitz Patrick et Frederik Obermaier (439 RT et 411 RT cumulés respectivement)
- des experts du secteur médical comme Sling The Mesh (180 RT cumulés), Sophie Scott, (149 RT cumulés) ou encore Madris Tomes (plus de 100 RT cumulés).
Implant files : cartographie des communautés les plus influentes sur l’affaire
L’animation ci-dessus met en avant les différentes communautés qui se sont exprimées sur Twitter au sujet des Implant Files.
On remarque, au départ, que l’ICIJ a le monopole de l’affaire, puisque c’est lui qui dévoile l’investigation. Viennent ensuite s’ajouter des médias influents tels que Le Monde et The Guardian. Ces trois médias (ICIJ, Le Monde et The Guardian) apparaissent comme les principales sources d’informations qui vont alimenter les conversations sur Twitter.
Comme nous pouvons le voir sur le gif ci-dessus, pour le moment ce sont principalement les médias qui s’expriment au sujet des Implant Files. Les comptes dits “grand public” agissent plus comme des relais d’informations. En effet, pour le moment (cf. timeline annotée, ci-dessus) 75% des tweets publiés sur l’affaire sont des retweets, c’est-à-dire que seulement 25% des messages créent du contenu sur Twitter, le reste sont des partages.
On distingue également les différentes communautés linguistiques : en rose les comptes francophones, en vert la communauté anglophone, en orange les comptes germanophones et en bleu ciel la communauté hispanophone.
Implant Files : véritable bad buzz ou simple crise passagère sur les réseaux sociaux ?
Pour le moment nous ne pouvons pas dire si cette crise prendra une autre tournure sur les réseaux sociaux. Ce qui est quasi certain, en revanche, c’est que l’émission Cash Investigation diffusée ce soir sur l’affaire devrait secouer le secteur des laboratoires de dispositifs médicaux.
Implants : tous cobayes ?
— France 2 (@France2tv) November 26, 2018
Mardi soir : la grande enquête de #CashInvestigation sur une industrie qui échappe aux contrôles des autorités sanitaires. #ImplantFiles pic.twitter.com/qb62HFBs7w
Affaire à suivre…