Cette semaine deux grands événements ont ravivé la Mémoire commune de l’Histoire. Il y a 25 ans, dans la nuit du 8 au 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait ouvrant la voie à la réunification allemande. Le 11 novembre 1918, l’armistice est signée mettant fin aux combats de la Première Guerre Mondiale.
« Mur de la honte », « mur de la paix », « morts pour la France », des dizaines d’années plus tard comment se souvient-on de ces pages incontournables de l’Histoire ? Au cœur de la problématique se trouvent désormais les réseaux sociaux et notamment Twitter sur lequel tout un chacun devient à la fois média et relais et s’exprime dans l’instant.
Grâce à la plateforme de veille Twitter Visibrain, nous avons écouté, analysé et décortiqué comment les Français exercent leur devoir de Mémoire en 2014. La période de temps sélectionnée est comprise entre le 6 et le 12 novembre.
Timidement avec 172 591 tweets
Cette première constatation peut paraître évidente, encore faut-il la faire. S’est-on beaucoup recueilli sur Twitter ? Ils sont 17 818 à avoir tweeté sur la chute du Mur de Berlin et 98 019 sur l’Armistice de 1918. 172 591 tweets ont été émis sur ces deux événements : 25 399 autour de la chute du Mur et 147 192 autour du 11 novembre.
Peut-on parler de mobilisation massive ? Tout dépend où l’on place le curseur. Pour cela nous avons questionné les chiffres : dans la même catégorie le 14 juillet 2013 se défendait déjà mieux que le 11 novembre 2014 avec 170 000 tweets publiés en un seul jour. Sachant qu’un huitième de finale de l’Equipe de France pendant une Coupe du Monde c’est 1 211 580 tweets, nous avons envie de dire que la e-commémoration est toute relative. Il n’est bien sûr pas question de comparer ces événements mais simplement d’apporter un éclairage chiffré avec d’autres événements touchant les Français.
Violemment contre les indifférents
Si le nombre de tweets n’est pas mirobolant. Les utilisateurs qui utilisent Twitter pour commémorer le font avec ferveur. Que ce soit pour les 25 ans de la chute du Mur de Berlin comme pour l’Armistice de la Grande Guerre, les twittos dénoncent l’intérêt prêté par les médias à l’affaire Nabilla plutôt qu’à la commémoration.
Parmi les tweets qui contiennent les mots Armistice ou 11 novembre, 5 368 contiennent le #grevedelafaimpournabilla.
Il s’agit en fait des personnes choquées par le fait que #grevedelafaimpournabilla soit, sur le flux global Twitter, plus tweeté que #11 novembre.
Déjà l’expression « Nabilla » figurait parmi les premières à l’affiche dans les tweets contenant « mur de Berlin ».
En effet, 1 378 tweets dénonçaient le traitement médiatique des sujets d’actualité : quand l’affaire de la starlette de la téléréalité détrône les 25 ans de la chute du Mur de Berlin et l’Armistice de la Première Guerre Mondiale.
Un autre mot-dièse émerge parmi les tweets concernant l’ancien Mur Berlinois. Il s’agit du hashtag #Palestine.
En effet, l’anniversaire de la libération de Berlin Est et Ouest ne manque pas de raviver l’actualité autour du mur en construction depuis 2002 en Cisjordanie.
Energiquement derrière des images symboliques
La force des images est motrice pour se souvenir des épreuves les plus marquantes de l’Histoire dans la Mémoire collective. Sur Twitter, la règle ne fait pas défaut. Deux types de contenu « images » ou photos servent à la Mémoire : celles d’époque et celles d’aujourd’hui.
Les twittos ont rendu hommage aux victimes de la Grande Guerre en partageant ces deux types de contenu. La retranscription de la dernière lettre d’un soldat à sa femme a très largement émue la Toile et s’impose comme l’image la plus partagée avec 4 939 tweets. Juste devant une représentation de soldats en uniformes.
Derrière ces deux images d’époque c’est le champ de coquelicots en céramique planté à Londres qui a su fédérer les twittos.
Même schéma avec la commémoration de la chute du mur de Berlin. Les images d’époque sont les plus retweetées avec 1026 tweets, juste devant la photo du chancelier allemand Helmut Kohl à l’emplacement du mur de Berlin et la reconstitution saisissante du mur avec des ballons lumineux.
Traditionnellement avec des fleurs et des larmes
Finalement, nous le constatons à mesure que nous progressons dans l’analyse : les internautes adaptent à la formule digitale du réseau social la manière classique avec laquelle ils rendent hommage.
Parmi les images les plus partagées que nous avons citées ci-dessus, les réponses sont essentiellement accompagnées de remerciements agrémentés de fleurs ou de moues tristes en émoticônes.
@LeMondeHistoire @Cindy62200 Merci !
— Oliv Dowson (@oliv1973) 11 Novembre 2014
Twitter est donc bien un lieu de commémoration. Bien qu’elle y soit encore timide, ceux qui utilisent Twitter pour commémorer sont impliqués. Impliqués au point de fustiger ceux qui préfèrent l’affaire Nabilla aux Poilus et à l’histoire de Berlin et de l’Europe ; impliqués au point de rappeler que l’Histoire ne se conjugue pas qu’au passé et que d’autres murs sont sur pied en 2014. Sur Twitter aussi les images parlent souvent mieux que les mots alors en mêlant photos ou récits d’époque et symboles contemporains les Français ont réadapté les moyens classiques du souvenir au numérique.