Une vidéo, des images choc, de nombreux relais influents et un sujet déjà sensible auront suffi à bousculer toute une industrie. L’expression “vaches hublots”, déjà connue pour certains, totalement nouvelle pour d’autres, a fait le tour du web ces dernières semaines. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce terme, il s’agit de bovins équipés d’une canule (hublot) fermée par un clapet, permettant une intervention directe par le flanc, à l’estomac de l’animal. Cette technique existe depuis de nombreuses années et est employée à des fins de recherches scientifiques.
Mais recherches scientifiques ou non, en ligne, les réseaux sociaux crient au scandale. Décryptage de la mobilisation digitale autour de cette polémique.
Propagation du scandale lié à l’enquête L214 sur les vaches hublot en ligne
Vaches hublot : quelques chiffres en ligne
Cela fait trois semaines que le buzz a éclaté en ligne et près de 100 000 messages ont été publiés par 45 415 utilisateurs. En tout 928 articles de presse en ligne on vu le jour à ce sujet, dont 205 provenant de médias étrangers. Parmi tous ces messages 7% ont été émis à l’étranger. Le buzz s’est donc bien internationalisé et a aussi choqué à l’étranger.
Voyons maintenant comment s’est déroulé, étape par étape, le scandale des vaches hublot en ligne.
Phase 1 : un communiqué de presse et une vidéo choc mettent le feu aux poudres
À l’origine de cette crise sur les réseaux sociaux, nous retrouvons la très active association, L214. Habituée à mettre en lumière les pratiques douteuses et autres dérives de l’industrie agroalimentaire, L214 a généré un véritable engouement médiatique avec sa dernière enquête, publiée le 20 juin. Suite à l’envoi d’un communiqué à la presse, un jour avant, L214 publie cette vidéo sur Youtube:
Le buzz est dans les starting blocks et ne va pas tarder à avoir l’effet d’une bombe en ligne.
Quelques heures suffisent pour que la vidéo devienne virale. En tout, depuis sa publication, elle a généré plus de 500 000 vues ! C’est une des plus vues du compte L214 sur Youtube, derrière celle sur le foie gras et celle sur les poulets DUC.
Phase 2 : la sphère médiatique s’empare du sujet des vaches hublot et le rend plus visible
Le buzz autour de la polémique des vaches hublot ne tarde pas à prendre en ligne. Très rapidement après la publication du communiqué de presse et celle de la vidéo YouTube, la sphère médiatique s’empare du sujet.
Le tout premier média à reprendre l’affaire est Le Parisien, avec son tweet du 19 juin à 23h38.
Les vaches à hublot : la nouvelle vidéo choc de L214 https://t.co/H0gRK3WXM2
— Le Parisien (@le_Parisien) June 19, 2019
Dès lors, en moins de 24 heures le sujet va susciter plus de 40 000 tweets et 339 articles de presse en ligne.
Revue de presse, triée par impact, du scandale des vaches hublot 24 heures après la publication de la vidéo
Phase 3 : une réponse rapide du groupe Avril mais qui ne semble pas atténuer les critiques
La réaction du groupe Avril (principal nom qui ressort dans cette enquête des vaches hublot, au côté de sa filliale Sanders), ne se fait pas attendre.
En moins de 24 heures, le groupe répond, lui aussi par un communiqué de presse dans lequel il précise que “les essais sur animaux restent à ce jour nécessaires (notamment pour produire des données de référence et ainsi aider au développement des méthodes alternatives)”.
En revanche silence radio sur Twitter… Principal lieu de consternation du grand public sur cette crise. La réponse du groupe passe presque inaperçue. Les hashtags forts continuent d’émerger aux côtés d’Emojis plus qu’évocateurs.
Top hashtags les plus employés sur l’affaire
Top Emojis les plus utilisés sur l’affaire
Phase 4 : des communautés influentes prennent la parole ce qui accentue la propagation du scandale
En plus d’être portée par le célèbre animateur français, Nagui, qui s’est dit “profondémment choqué par cette enquête” :
🚨 NOUVELLE ENQUÊTE 🚨 Des vaches à hublot, en 2019. Ça existe encore ! La preuve : https://t.co/zxRB4fsseN Stop aux vaches à hublots ! @gouvernementFR @L214
— Nagui (@Nagui) June 20, 2019
l’affaire des vaches hublot bénéficie d’une visibilité médiatique considérable puisqu’elle est reprise par de nombreuses communautés influentes.
Parmi elles nous retrouvons :
- des associations, telles que 30 millions d’amis
Scandale des #vacheshublot - #NouSommesDevenusFous : au nom d’une meilleure productivité, le flanc des vaches est perforé pour avoir accès à leur appareil digestif 😱 #maltraitanceanimale https://t.co/iWeAI2KhhE
— 30 Millions d'Amis (@30millionsdamis) June 20, 2019
- des politiciens avec par exemple Jean-Luc Mélenchon ou encore Yannick Jadot
L’horreur. Les vaches à hublot. Un être vivant sensible transformé en quasi-machine. Stop à la barbarie productiviste. Honte à ceux qui font de l'argent avec ces méthodes.#VachesHublot https://t.co/qFqePaNL5X
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) June 20, 2019
- des médias français mais aussi étrangers, le service japonais de l’AFP
フランスの動物保護団体「L214」は20日、脇腹にプラスチック製の「丸窓」を埋め込まれ、胃の内容物に直接手を入れられるようにされた牛の衝撃的な映像を公開した。畜産業での動物福祉をめぐる議論が再び過熱している。https://t.co/fHEfIkbi1C
— AFPBB News (@afpbbcom) June 21, 2019
- des humoristes
Ces salauds de @l214 disent qu’ils défendent le bien-être animal alors qu’en fait, il veulent juste que les animaux ne soient plus exploités ni trucidés ! Bien joué inspecteur JB ! 😎✌️ https://t.co/ydCofnwc6B
— Guillaume Meurice (@GMeurice) June 25, 2019
- mais aussi des stars du petit écran avec Valérie Damidot
Vomir et signer la pétition.😡 https://t.co/9DfE0wXhmO
— Valérie Damidot (@DamidotValerie) June 20, 2019
Les vaches à hublot : une bombe à (très long) retardement
A J+21, le combat mené par l’association L214 a su faire du bruit en ligne. En moyenne, 4 800 tweets par jour ont été publiés depuis le 19 juin à ce sujet. Pourtant cette pratique ne date pas d’hier et anime régulièrement les débats en ligne, mais de manière beaucoup moins massive qu’elle l’a fait cette année.
En 2016 par exemple, les vaches à hublot ont fait l’objet de 401 tweets publiés.
En 2017, on en comptait moins de 100 mais l’année dernière, en 2018, ce chiffre a doublé pour atteindre 256 messages.
Malgré que cette pratique date de plusieurs dizaines d’années et que le sujet ait déjà été commenté en ligne, c’est aujourd’hui en juin 2019 qu’il explose.
Que retenir de la crise des vaches hublot ?
Identifier et veiller ses sujets sensibles n’aura jamais été aussi indispensable
Qui dit sujets sensibles dit obligatoirement potentiel de crise. La société actuelle est formée de doutes et de remises en questions. Chaque action d’une entreprise est épiée, questionnée et critiquée. Alors même si les entreprises ont le droit et se doivent de décider si oui ou non elles sont en crise, en réalité la pratique est bien plus complexe. Il ne faut pas oublier que la meilleure arme, pour éviter qu’un sujet sensible tel que le bien-être animal viennent salir votre réputation, reste l’anticipation. Les entreprises se doivent d’être connectées à la réalité sociale qui les entoure.
En effet, même les plus vieux squelettes peuvent refaire surface et surtout frapper encore plus fort une organisation. La polémique des vaches hublot ne datant pas d’hier, le risque aurait d’autant pu être ancitipé et évité en mettant en place une veille ciblée sur le potentiel bad buzz puis en programmant des alertes afin d’être le premier au courant dès la publication de l’enquête. Aussi, une stratégie de communication de crise préparée à l’avance permet de mieux détailler le plan d’action et de ne rien laisser au hasard.
Être alerté et mesurer l’impact de sa crise en temps réel est indispensable
Ici, le groupe Avril est directement pris pour cible. L’entreprise réagit vite, seulement quelques heures après la diffusion du communiqué de presse de L214 qui dévoile son enquête. Mais la réponse à la presse ne suffit plus. Le public visé sur les réseaux sociaux est tout aussi important. Une réponse officielle sous forme de communiqué ne sert pas à appaiser le scandale sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs continuent de publier en masse, même après que de nombreux médias aient diffusé la réponse d’Avril. L’image du groupe en prend un coup.
Être alerté en temps réel dès que des signaux faibles émergent en ligne (un journaliste ou média qui communique sur votre organisation, votre marque associée à des mots-clés sensibles ou négatifs…) est indispensable. Cela permet d’évaluer rapidement l’ampleur des dégâts potentiels et ainsi d’adapter les réponses pour les éviter un maximum.